Eglise Saint-Marc de Belgrade et le « In Memoriam » de Miroslav Antić est une photopoésie d’une photographie de nuit de la très jolie Eglise Saint-Marc illustrée par un poème (dans le légendaire style) de Miroslav Antić !
In Memoriam
Il y a un incroyable salaud qui s’appelle Miroslav Antić.
Il bouffe mon pain. Fait mes enfants. Porte mes habits.
Il couche dans mon lit avec ma femme devant mes propres yeux,
Car il sait qu’en ce moment je dois être quelque part loin à Léningrad.Et cet Antić qui m’a détruit et comme écrivain et comme homme,
Celui-là donc, qui en fin de compte ira se coucher dans ma propre tombe,
Me demande un matin : qu’est-ce qui vous arrive, vieux, vous m’avez l’air un peu malade ?
Pardonnez l’expression, mais qu’est-ce que ça peut lui foutre, comment je vais et où j’en suis ?Ceux qui s’occupent le mieux de moi sont ceux qui me laissent en paix.
Et lui se lave les mains avec ma rakia. Il a les clefs de mon atelier.
Voyez donc, celui-là me force à lire des livres. Il manigance avec mes blondes.
Il hurle dans ma maison. Me calomnie. Raconte n’importe quoi.Mes enfants lui ressemblent, et lui porte une cravate.
Il se rase, connaît des gens. Il travaille.
Chaque matin il se douche. Il fait celui qui sait tout sur le bouddhisme zen.Il traduit des livres. Croit qu’il a des amis.
A mon fils, imaginez cette saloperie, à mon fils unique,
Il achète des glaces.J’étais marin. Je fuyais ou, tenez, une fois, je pars pour Paris.
Je mets la couverture sur ma tête. Me laisse pousser la moustache.
Et même là il me retrouve, dans une rue Jolivet, dans un hôtel miteux,
Et me ramène à la maison. Et me fait pleurer.Ma mère Mélanie, qui ne sait pas qu’elle m’a mis au monde moi et non pas lui,
Elle l’aime plus. Le croit plus. Et comme il en profite.
Mais lui, je vous jure, il est cette bête endimanchée à qui je dresse un monument.Il est cet animal estimé à qui j’écris une biographie
Ainsi conspué et seul, et totalement dégoûté
De devoir publiquement lui prêter mes yeux et mon âme
Et le peu d’argent que j’ai emprunté avec peine.Moi par exemple quand j’ai sauté de la forteresse de Petrovaradin
Lui plongeait dans les manuels scolaires.
Quand le docteur Savić me soignait de l’alcool,
Il faisait celui qui s’y connaît en cinéma.Où que je sois, il m’obligeait à ne pas lui faire honte.
Il consentait aux compromis. Ricanait aux réceptions.
Recevait mes prix. S’immisçait dans mes rêves.
Un hypocrite.Un vrai hypocrite.
Un provincial !
Un homme qui a supporté tout ce que je ne supporterai jamais.Et qui maintenant se presse bien de crever à ma place,
Pour qu’à ma place,
Ce porc,
Pour qu’à ma place bien vite lui seul vive.
Miroslav Antić
source : journals.openedition.orgc
Le saviez-vous ?
Inscrite sur la liste des monuments culturels protégés de la République de Serbie, l’église Saint-Marc de Belgrade se situe dans le parc de Tašmajdan non loin du Parlement de Serbie à Belgrade.
L’église Saint-Marc a été construite de 1931 à 1940 par les architectes Petar et Branko Krstić. Son architecture, caractéristique du style néo-byzantin telle qu’il se développa à Belgrade à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, rappelle les églises serbes orthodoxes du Moyen Age.
Elle abrite les reliques d’un empereur serbe et d’un patriarche orthodoxe ainsi qu’une grande collection d’icones.