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Photopoésie Novi Dvor de Belgrade (le nouveau parlement) en photo de nuit illustrée par un poème de Dragan Jovanović Danilov. Enjoy 🙂 !
La fenêtre aveugle
Et la conversation continue comme si elle n’avait
même pas été interrompue.Mes rêves ailés s’enchevêtrent là-haut
dans un nid au-dessus de l’abîme.De plus en plus rarement j’écris et publie des poèmes.
Je n’orne plus le vide par moi-même.
Le récit de voyage ne m’importe plus que le voyage.
La mer sur une carte et la carte elle-même – ne sont pas pareilles.Je ne suis plus aveugle comme un héros
coiffé de couronne triomphale.
Des garces saines comme les anguilles
qui rôdent au crépuscule autour de la ville, au zénith
de leurs pouvoirs, ô les cieux, ne me consolent aucunement.Au dedans, je ressens la nuit où je ne vois pas
d’étoiles ; le monde commence à ressembler à un trou
à travers lequel le geôlier jette un coup d’oeil vers le cachot.Je suis devenu fou d’avoir regretté les inconnus.
C’est en toi, le désert, que je mesure le temps, et que j’apprends
de me protéger de ta perfection.J’ai tout vu et raté l’essentiel.
Le meilleur n’est qu’à venir comme un grondement lointain
des intempéries.De quoi pouvons-nous, les cendres, être privés ?
Le nid au-dessus de l’abîme (2005) – traduit par Bojan Savic Ostojic
I razgovor se nastavlja kao da nije
ni prekidan.Moji se krilati snovi splicu visoko
u gnezdu nad ponorom.Sve rede pišem i objavljujem pesme.
Ne ogrcem više pustoš sobom.
Putopis mi nije važniji od puta.
More na mapi i sama mapa – nisu jedno.Više nisam slep kao junak
okrunjen pobednickim vencem.
Devojcure zdrave kao jegulje,
što u sumrak vijaju gradom u zenitu
svojih moci, o, nebesa, nisu nikakva uteha.Osecam u sebi noc i u njoj ne vidim
zvezde; svet je postao slican otvoru
kroz koji tamnicar zaviruje u celiju.Postao sam lud od žaljenja za nepoznatima.
U tebi, pustinjo, merim vreme, i ucim
da se cuvam tvog savršenstva.Video sam sve, a propustio najvažnije.
Najbolje ce tek doci kao udaljena tutnjava
nevremena.Šta nama, prahu, može biti uskraceno?
Dragan Jovanovic Danilov
source : terreaciel.free.fr

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Le saviez-vous ?
Poète, essayiste et romancier, Dragan Jovanović Danilov est né en 1960, en Serbie. Il est considéré comme poète majeur de sa génération. Auteur d’une œuvre abondante et variée, Danilov a publié, jusqu’à présent, douze recueils de poésie parmi lesquels il faut mentionner en particulier : Кућа Бахове музике / Maison de la musique de Bach, 1993 ; Кућа Бахове музике / Maison de la musique de Bach, trilogie, 1998; Хомер предграђа / Homère de banlieue, 2003, Моја тачна привиђења / Mes spectres exacts, 2010.
Danilov a également publié trois romans : Алманах пешчаних дина / Almanach des dunes de sable, 1996 ; Иконостас са краја света / L’iconostase du bout du monde, 1998 ; Отац ледених брда / Le père des montagnes de glace, 2009 ; ainsi qu’un essai sous forme de manifeste poétique : Срце океана / Cœur de l’océan, 1999.
Il est aussi l’auteur de plusieurs monographies sur les peintres serbes contemporains.
A la fois explorateur, voyageur, peintre de la vie provinciale et scrutateur de la vie intellectuelle, intérieure, chantre d’une banlieue aussi vaste qu’un monde elliotien privé de son centre de gravité, sa prose réflexive et poétique s’ancre, sur le plan théorique, dans l’expérience moderniste. Son manifeste poétique, Cœur de l’océan, œuvre de premier ordre, représente un plaidoyer polémique pour la liberté de l’expression artistique. Si le monde est océan et la poésie sa peinture et son aboutissement, alors discourir depuis le cœur de l’acte artistique signifie exercer un acte réfléchi majeur.