Le palais de la Bahia et l’école de l’amour de Nizar Kabbani
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Le palais de la Bahia de Marrakech : photographie du Palais de la Bahia de Marrakech illustrée par une magnifique poésie de Nizar Kabbani
Le palais de la Bahia (palais de la belle, de la brillante) est un palais du xixe siècle de huit hectares situé à Marrakech. Il est un des chefs-d’œuvre de l’architecture marocaine, un des monuments majeurs du patrimoine culturel du pays et un des principaux lieux de tourisme au Maroc.
Petite anecdote: la durée de construction du Palais de la Bahia (7 ans) est à l’origine d’une célèbre expression marocaine: « la Bahia est enfin terminé », employée lorsqu’une affaire reste longtemps sans solution!
L’école de l’amour
Votre amour, madame, m’a fait entrer dans les cités de la tristesse
Et moi avant votre amour, je n’ai jamais visité de telles cités.
Je n’ai jamais su que les larmes et l’humain ne font qu’un,
Que l’humain sans tristesse n’est que le souvenir d’un humain.Votre amour m’a appris à être triste
Et depuis des siècles j’avais besoin d’une femme qui me rendrait triste,
D’une femme entre les bras desquels je pleurerais comme un oiseau
D’une femme, qui rassemblerait mes débris tels les pièces d’un bocal cassé.Votre amour madame, m’a enseigné les mauvaises manières,
Il m’a appris a scruter ma tasse,la nuit, des milliers de fois (1),
à me confier aux guérisseurs et à m’adresser aux voyantes.
Il m’a appris à sortir de chez moi pour errer dans les rues
Et à rechercher votre visage sous la pluie et dans la lueur des feux.
A rassembler a partir de vos yeux des millions d’étoiles
O femme qui a bouleversé le monde, O ma douleur, O douleur des Nays (2).Votre amour, madame, m’a fait entrer dans les cités de la tristesse
Et moi avant votre amour je n’ai pas visité de telles cités.
Je n’ai jamais su que les larmes et l’humain ne font qu’un,
que l’humain sans tristesse n’était que le souvenir d’un humain.
Votre amour m’a appris à me conduire comme un enfant,
A dessiner votre visage avec la craie sur les murs.
O femme qui a bouleversé mon histoire,
qui a écorché mon corps de bout en bout.Votre amour m’a appris comment se modifie le cours du temps,
que lorsque j’aime, la terre cesse de tourner.
Il m’a appris des choses qui ne me sont jamais venues à l’esprit.
Alors j’ai lu les contes d’enfant,
Je suis entré dans les palais des merveilles
Et j’ai rêvé de mon mariage avec la fille du sultan,
la fille aux yeux clairs eau de roche,
aux lèvres plus tendres que les fleurs des grenades,
celle que j’enlevais comme le firent les princes charmants
en lui offrant des quantités de perles et de coraux.Votre amour,madame, m’a enseigné ce qu’est le délire
Il m’a appris comment le temps s’enfuit
sans qu’apparaisse la fille du sultan ……
(1) : tradition orientale qui consiste à lire l’avenir dans une tasse de café
(2) : instrument musical donnant des sons tristes
مدرسة الحب
أدخلني حبك سيدتي مدن الأحزان
وأنا من قبلك لم ادخل مدن الأحزان
لم اعرف أبدا أن الدمع هو الإنسان
أن الإنسان بلا حزن ذكرى إنسان
علمني حبك إن احزن
وأنا محتاج منذ عصور لآمراة تجعلني احزن
لأمراه ابكي فوق ذراعيها مثل العصفور
لأمراه تجمع أجزائي كشظايا البلور المكسور
علمني حبك سيدتي أسوء عادات
علمني افتح فنجاني في الليلة آلاف المرات
وأجرب طب العطارين واطرق باب العرافات
علمني أن اخرج من بيتي لأمشط أرصفة الطرقات
وأطارد وجهك في الأمطار وفي أضواء السيارات
والملم من عينيكِ ملاين النجمات
يا امرأة دوخت الدنيا يا وجعي يا وجع الناياتأدخلني حبك سيدتي مدن الأحزان
وأنا من قبلك لم ادخل مدن الأحزان
لم اعرف أبدا أن الدمع هو الإنسان
أن الإنسان بلا حزن ذكرى إنسان
علمني حبك أن أتصرف كالصبيان
أن ارسم وجهك بالطبشور على الحيطان
يا امرأة قلبت تاريخي
آني مذبوح فيكِ من الشريان إلى الشريان
علمني حبك كيف الحب يغير خارطة الأزمان
علمني حين أحب تكف الأرض عن الدوران
علمني حبك أشياء ما كانت أبدا في الحسبان
فقرات أقاصيص الأطفال
دخلت قصور ملوك الجان
وحلمت بان تتزوجني بنت السلطان
تلك العيناها أصفى من ماء الخلجان
تلك الشفتاها أشهى من زهر الرمان
وحلمت باني اخطفها مثل الفرسان
وحلمت باني اهديها أطواق اللؤلؤ والمرجان
علمني حبك يا سيدتي ما الهذيان
علمني كيف يمر العمر
ولا تأتى بنت السلطان
Nizar Kabbani – .نزار قباني
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Nizâr Qabbâni naquit le 22 mars 1922 à Damas. Il étudia tout d’abord à l’école Française de cette même ville qui lui permit, selon ses propres mots de « boire la littérature française à sa source ». Après avoir effectué des études de droit à l’université de Damas en 1945, il entra au ministère des affaires étrangères. Il quitta son poste en 1966 et revint à Beyrouth – où il avait vécu durant plusieurs années-pour y fonder une maison d’édition appelée « Manshoraté Nizâr Qabbâni « .
En 1943, il publia ses premières poésies intitulées Cette femme verte me dit qui fut l’objet de nombreuses critiques mais le convertit en » poète de la femme « . Par la suite, il publia d’autres livres tels que Tu es à moi (1950), Le journal d’une femme indifférente (1968), Le livre de l’amour (1970), 100 lettres d’amour (1970), Des poèmes hors- la loi(1972), Je t’aime, je t’aime et la suite viendra (1978), A Beyrouth, avec mon amour (1978), Que chaque année tu sois ma bien aimée (1978), Je jure qu’il n’y a de femmes que toi (1979).
La majorité de ses poèmes constituent de véritables hymnes à l’amour et prennent parfois la défense des droits de la femme. Il utilise un langage simple aux sonorités douces, tout en affirmant qu’ » il y a deux langues arabes, la langue des dictionnaires et la langue familière ; il y a aussi une autre langue que j’emploie, la langue qui est entre les deux ».
Il décéda le 1er mai 1998 à Londres et laissa derrière lui une œuvre vivante, très largement lue et appréciée aujourd’hui au sein des pays arabes, pour incarner désormais le poète de la femme, du soi et de la patrie.